Elle est devenue la Formule 1 la plus chère de l'Histoire après avoir été vendue plus de 51 millions d'euros à un particulier le samedi 1er février. La Mercedes W196 R a été produite au milieu des années 50 dans une version spéciale haute vitesse, car dotée d'une carrosserie aérodynamique enveloppante et profilée alors unique, appelée "Stromlinienwagen" en allemand, ou "Streamliner" en anglais.
À l'époque, la réglementation technique de la CSI (Commission sportive internationale), permettait aux Formule 1 d'être entièrement carrossées... ou plutôt ne l'interdisait pas. La cylindrée du moteur devait être de 750 cc si celui-ci était muni d'un compresseur, ou de 2500 cc s'il était atmosphérique. La composition du carburant était toutefois totalement libre, d'où certains mélanges fortement corrosifs.
Mercedes a investi beaucoup d'argent et son équipe d'ingénieurs a mis tout son savoir-faire dans la W196, destinée à écraser la concurrence. Il semble que 14 exemplaires de ce modèle ont été assemblés au cours de ses deux saisons d'activité, en 1954 et 1955.
La voiture fut d'abord créée comme une véritable monoplace, avec des roues ouvertes, mais il fut décidé de produire quelques exemplaires carrossés afin d'affronter les circuits les plus rapides de l'époque. Le passage d'une configuration à l'autre se faisait sans trop de complexité.
La W196 possédait un châssis tubulaire, des suspensions à barres de torsion et un essieu oscillant à l'arrière, ainsi que des freins à tambour interne et non pas dans les roues. Le cœur de la voiture était son moteur huit cylindres en ligne, incliné à 53 degrés vers la droite dans le châssis afin de réduire la surface frontale et d'abaisser son centre de gravité.
Le moteur de la Mercedes W196 R.
Photo de: Daniel Kalisz / Motorsport Images
Alimenté par un carburant détonnant concocté par Esso, ce bloc développait une puissance de 260 chevaux en 1954 et 290 à 8500 tours/minute un an plus tard. Ce fameux carburant, codé RD1, était composé à 45% de benzène, 25% de méthanol, 25% d'essence de haut indice d'octane, 3% d'acétone et 2% de nitrobenzène.
Il est intéressant de noter que le moteur était à injection directe de carburant (comme c'est le cas aujourd'hui avec les unités de puissances V6) et d'une distribution à commande desmodromique, c'est-à-dire sans ressort de rappel. En effet, les ressorts des soupapes avaient beaucoup de mal à encaisser des régimes de rotation dépassant les 8000 tours/minute. Alors les ingénieurs ont eu l'idée de les éliminer en les remplaçant par des cames et culbuteurs qui ouvraient et fermaient mécaniquement les soupapes.
La W196 "Stromlinienwagen" était habillée d'une carrosserie profilée entièrement réalisée en aluminium qui lui donnait des airs de voiture de série. Les premiers essais furent réalisés à l'aide d'une maquette en bois à l'échelle 1:5 dans la soufflerie du Stuttgart Imperial College.
Cette carrosserie fut utilisée sur des circuits à très haute vitesse comme ceux de Reims-Gueux en France, de Silverstone en Grande-Bretagne, de Monza en Italie, ou sur le long tracé du Nürburging ainsi que le circuit de Bremgarten en Suisse. Elle servait essentiellement à réduire la traînée générée par la voiture, permettant ainsi d'atteindre une vitesse maximale plus élevée. On ne parlait pas encore d'appui aérodynamique, cette dépression qui survient sous la voiture et qui la plaque au sol à haute vitesse et qui est plus tard devenue le nerf de la guerre en sport automobile.
Stirling Moss à Monza en 1955.
Photo de: Motorsport Images
Le bolide carrossé de couleur argentée a disputé sa première course lors du Grand Prix de France 1954. Juan Manuel Fangio décrocha la pole position à son volant (à la vitesse moyenne de 200,048 km/h) puis la victoire, terminant juste devant son coéquipier Karl Kling.
Toutefois, la W196 "Stromlinienwagen" avait une fâcheuse tendance à sous-virer. Beaucoup trop. Son empattement a donc été modifié à plusieurs reprises pour tenter de résoudre ce problème, sans succès. Elle fut également pilotée par Stirling Moss et Hans Herrmann, l'Anglais bouclant à Monza un meilleur tour en course à la vitesse moyenne de 215,7 km/h.
En seulement 12 Grands Prix disputés, la Mercedes W196 a remporté huit pole positions et neuf victoires (onze si l'on inclut les épreuves hors championnat). Elle a aussi et surtout permis à Juan Manuel Fangio de décrocher deux de ses cinq titres mondiaux, en 1954 et 1955.
Sa carrière était vraisemblablement programmée pour durer davantage, mais elle fut brutalement interrompue par le retrait de Mercedes de toute compétition après le tragique accident survenu aux 24 Heures du Mans 1955.
La Mercedes W196 R avant sa mise aux enchères.
Photo de: Mercedes-Benz
2025-02-02T16:05:33Z