TENNIS: POURQUOI LE BLANCHIMENT DE SINNER APRèS SES CONTRôLES POSITIFS FAIT AUTANT RéAGIR

Le numéro un du tennis mondial, Jannik Sinner, a été blanchi par un tribunal indépendant après avoir en mars 2024 été testé positif au clostébol à deux reprises, une substance à laquelle il a été contaminé involontairement, selon l'Agence internationale de l'intégrité du tennis (ITIA). Une décision qui ne passe pas pour certains joueurs de l'ATP et qui soulève plusieurs questions...

Que s'est-il passé?

Lors du Masters 1000 d'Indian Wells, Jannik Sinner a été testé positif au clostébol, un stéroïde anabolisant, "à faible taux", avant d'être à nouveau testé positif dix jours plus tard. Ces tests positifs n'avaient pas été rendus publics le temps de l'enquête. À l'issue de l'investigation, un tribunal indépendant a conclu que le joueur "n'a commis aucune faute ou négligence", selon l'ITIA.

À la suite de cette enquête, l'ITIA a accepté l'explication du joueur en estimant que la présence de la substance n'était pas intentionnelle. "Cela a également été accepté par le tribunal", a déclaré la directrice générale de l'ITIA Karen Moorhouse. Le joueur a plaidé une contamination à son insue, dûe à la prise d'un spray contenant le produit par un membre de son staff.

Si la version de Sinner a été reconnue, ses points ATP ainsi que ses gains obtenus lors du Masters 1000 d'Indian Wells, le tournoi au cours duquel il a été contrôlé positif, lui ont été retirés conformément aux règles antidopage. Dans un communiqué sur X, l'ATP, organisatrice du circuit international de tennis masculin, a noté "qu'aucune faute ou négligence n'a été trouvée de la part de Jannik Sinner" et "reconnaît la robustesse du processus d'enquête et l'évaluation indépendante des faits dans le cadre du programme antidopage du tennis, ce qui lui a permis de continuer à participer aux compétitions".

Qu'est-ce que le clostébol?

Le clostébol est un agent anabolisant synthétique dérivé de la testostérone, classé S1 sur la liste des interdictions de l'AMA. Il s'agit d'une substance non spécifiée pouvant donner lieu à quatre ans de suspension. En 2016, la septuple championne du monde de ski de fond norvégienne There Johaug avait été suspendue treize mois après un contrôle positif, tout en se défendant d'avoir ingéré volontairement la particule, en expliquant l'avoir absorbée via une crème pour les lèvres.

Jannik Sinner a lui été contrôlé positif au clostébol à deux reprises, le 10 mars 2024 en plein tournoi d'Indian Wells, puis huit jours plus tard. Les deux tests présentaient "de faibles concentrations" du métabolite. Après chaque test positif, une suspension provisoire a été appliquée. À chaque fois, l'Italien a fait appel avec succès de la suspension et a pu ainsi continuer à jouer.

Un journal spécialisé dans le dopage, Honest Sport, relève qu'entre 2019 et 2023, trente-huit athlètes italiens ont été testés positifs au clostébol. Pour autant, l'expertise scientifique du cas Jannik Sinner indique que la dose ingérée par le n°1 mondial est trop petite pour avoir une influence sur ses performances.

Comment Sinner se défend?

Jannik Sinner a expliqué au tribunal "que la substance avait pénétré dans son organisme à la suite d'une contamination par un membre de son staff, qui avait appliqué sur sa propre main un spray en vente libre contenant du clostébol pour soigner une petite blessure". Ce membre du staff de Sinner lui a prodigué des massages pendant cette période, ce qui explique la contamination.

"Le physiothérapiste de Jannik a utilisé ce produit (sur ses propres doigts, NDLR) sans gants et couplé avec les différentes lésions sur le corps de Jannik, cela a causé sa contamination par inadvertence (...) Jannik n'est pas en tord", plaide son clan dans un communiqué. Le code mondial antidopage indique pourtant que les sportifs sont responsables de leur environnement (personnels et produits).

Devant le tribunal, le joueur a expliqué qu'il n'était pas au courant de la blessure du membre de son staff jusqu'à une session avec lui le 3 mars, lorsqu'il a découvert que son doigt était bandé. Son kiné lui aurait alors dit qu'il s'était coupé. Sinner aurait demandé s'il avait utilisé quelque chose pour soigner la blessure et il aurait répondu "non". Un témoignage qui aurait influencé la décision du tribunal.

Pourquoi cette affaire fait autant réagir?

La version de Sinner, accréditée par le tribunal, est jugée difficilement plausible pour plusieurs membres du circuit mondial de tennis, dont Tara Moore, contrôlée positive aux métabolites de nandrolone lors du tournoi de Bogota en avril 2022 et finalement blanchie un an et demi plus tard par un tribunal indépendant, contre lequel l'ITIA avait fait appel. "J'imagine que seule l'image des joueurs majeurs compte. J'imagine que l'avis du tribunal indépendant est rendu comme il doit l'être. Pourtant, ils remettent en question mon cas. Cela n'a pas de sens."

Denis Shapovalov déplore lui des "règles différentes pour des joueurs différents", faisant référence au classement de numéro un mondial de Jannik Sinner, qui le protègerait des suspicions. "Je n'ose pas pas imaginer ce que tous les autres joueurs exclus après avoir été contaminés par des substances se sentent aujourd'hui", a-t-il écrit. "Qu'en est-il des joueurs exclus après seulement trois 'no shows' alors qu'ils n'ont jamais été testés positifs...", lui a répondu Lucas Pouille, avant de monter au créneau dans une interview exclusive accordée à RMC Sport.

En septembre 2023, Simona Halep avait été suspendue pour quatre ans en raison d'un test positif au roxadustat à l'US Open 2022 et d'irrégularités sur son passeport biologique. Elle avait alors expliqué que son test positif était lié à un complément alimentaire qu'elle prenait sans intention de se doper. Un appel au CAS avait statué qu'elle était partiellement responsable de la prise de ce complément, mais avait réduit sa sanction à neuf mois, sans que la décision de justice n'ait été pour le moment publiée.

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